L'Audace d'être humain -Keynote speech MLQE 25.11.2025
Keynote Speech
Claudie & Stéphanie Grisius
Mouvement Luxembourgeois pour la Qualité et l’Excellence
Chambre de Commerce
25 novembre 2025
L’AUDACE D’ÊTRE HUMAIN
1ère Partie — L’Audace (Claudie)
Bonsoir.
C’est un immense plaisir pour Stéphanie et moi d’être avec vous ce soir pour vous parler de notre marque, vol(t)age, et surtout de ce qui l’anime : l’audace d’être humain.
Dans notre duo, Stéphanie a toujours été la pragmatique. Moi, la philosophe.
Il était donc logique que je vous parle du pourquoi – de ce concept de l’audace – et qu’elle vous raconte ensuite le comment.
Tout a commencé un matin ensoleillé d’automne en 2011.
J’étais avocate-associée chez Clifford Chance, sur le chemin du bureau. Je portais une écharpe – celle qui allait tout changer. Elle accessoirisait mon manteau à la perfection. Mais surtout… je me sentais étrangement bien.
Pas seulement bien habillée.
En phase. En flow. En une avec l’univers.
À cet instant, j’ai ressenti un élan presque vital : créer des écharpes qui racontent des histoires, qui dynamisent celles qui les portent, comme je l’étais à ce moment-là. Arrivée au bureau, j’appelle Stéphanie pour lui faire part de mon épiphanie.
Sa première réaction :
« Tu es complètement barge ! »
Elle n’avait pas tout à fait tort.
Mais très vite, elle a senti que quelque chose de plus profond était en jeu. Que j’étais mue par une force intérieure, irréfrénablement audacieuse.
Trente minutes plus tard, je la rappelle :
j’avais le nom. vol(t)age avec le “t” entre parenthèses.
Et Stéphanie, pragmatique mais visionnaire, s’est laissée enflammer.
La saga pouvait commencer.
Alors pourquoi faut-il être audacieux pour être humain ?
Dans le monde technologique, une mise à jour est une nécessité critique. Les machines ont un avantage certain sur nous. Les machines se mettent à jour sans peur, sans doute, sans ego.
Elles ne se demandent pas si elles sont « légitimes » à passer à la version suivante.
La mise à jour est automatique.
C’est leur force : une froide efficacité.
Chez l’humain, le système de mise à jour est émotionnel.
Il est ralenti par la peur, nos biais cognitifs, notre ego et tous nos mécanismes de défense. Notre cerveau cherche spontanément la stabilité, pas forcément la vérité ni l’évolution.
Face au changement, il nous murmure :
« Reste où tu es, c’est plus sûr. »
Notre force, à nous, n’est donc pas l’efficacité.
Notre force, c’est l’audace.
L’audace de ressentir la peur, de la regarder en face, de la traverser – et de choisir malgré tout de devenir autre.
Mon départ du barreau pour la mode n’était pas une optimisation de carrière.
C’était une métamorphose existentielle : l’expression de l’audace d’être pleinement humaine, de réécrire mes boucles neuronales, d’activer une nouvelle trajectoire.
L’audace, quand elle s’inscrit dans la durée, nous impose une discipline exigeante:e : rester au plus près de notre intention de départ.
Pourquoi nous étions-nous mises en route, initialement ?
Le nom vol(t)age est le cœur de cette philosophie.
Un jeu de mots entre :
voltage – la force électrique et volage – ce qui est en évolution constante
C’est l’expression même du flow, de la mise à jour permanente.
Comme le disait Héraclite :
« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. »
Pour moi, ce matin d’automne a tout cristallisé.
J’ai compris plus tard que vol(t)age incarnait parfaitement cette poussée créative qui m’avait saisie en 2011 quand je l’ai conçu pour la première fois.
Être vol(t)age, c’est être « dans la zone », et c’est depuis cette zone que notre marque est née.
vol(t)age a été créé pour électriser celles et ceux qui portent nos créations, et pour les accompagner dans leur projet audacieux d’être humain :
- se dépasser
- se mettre à jour régulièrement
- se rapprocher de la version la plus authentique de soi-même
Pas pour devenir quelqu’un d’autre.
Mais pour révéler ce qui est déjà là.
Et maintenant, assez parlé du pourquoi, place à l’action.
Stéphanie, à toi !
2ème Partie — Les Mains (Stéphanie)
Merci, Claudie.
La philosophie nous inspire, mais c’est l’audace qui nous met en mouvement.
Et j’aimerais vous montrer comment, chez vol(t)age, cette audace passe par les mains – comment une idée devient tissu, forme, vêtement… et, parfois, seconde peau.
Nous venons toutes les deux d’une famille « méi wéi lëtzebuergesch » de Leudelange : une famille de travailleurs, de pragmatiques, de gens ancrés dans le réel. Mon père, fils d’un ouvrier à la Schmelz, m’a très clairement déconseillé de faire des études d’architecture :
« Je ne pourrai pas t’aider… et puis il y a déjà 500 architectes au Mémorial. »
C’était dit avec amour.
Mais pour moi, le message était clair : je devais tracer mon propre chemin, autrement.
J’ai donc choisi la voie raisonnable : l’économie, avec l’idée de rejoindre plus tard la fiduciaire de mon père. Et puis, un jour, presque par hasard, j’ai accompagné une amie à un cours de couture et de patronage. J’avais 25 ans.
Je n’avais ni le bagage, ni la technique, ni la légitimité.
Mais j’ai ressenti quelque chose de très simple et de très vrai :
le plaisir de faire avec mes mains.
Sans le savoir, je venais d’installer ma première mise à jour.
Alors, le jour où Claudie m’a appelée avec son histoire d’écharpe « magique », j’avais juste assez de bases pour transformer son intuition en premier produit : une écharpe patchwork, simple, un peu imparfaite… mais profondément authentique.
Et elle a trouvé son public.
C’était notre premier signal faible : quand la simplicité rencontre ce qui est vrai, quelque chose se passe.
Très vite, nous avons compris que notre rôle n’était pas seulement d’« habiller » des silhouettes, mais d’électriser celles et ceux qui les portent. De cette réflexion sont nés nos smart-shirts : des pièces épurées, confortables, presque évidentes. Le pull ou le sweat que l’on enfile sans réfléchir, mais qui donne le bon élan pour la journée.
Techniquement, je n’étais pas prête pour tout ce que je voulais faire.
J’avais fait une section B à l’Athénée, la London School of Economics – pas le London College of Fashion.
Alors j’ai décidé de créer moi-même mes mises à jour.
En 2019, je me suis inscrite à un cours d’été à Central Saint Martins, à Londres.
J’étais mal à l’aise.
Je n’étais pas « censée » être là.
Mais j’y étais, avec mes mains, mes doutes et mon envie d’apprendre.
Le cours suivant a été encore plus technique, cette fois au London College of Fashion. Et aujourd’hui, je poursuis cette trajectoire à l’Institut Français de la Mode, à Paris, avec un cours consacré à la haute couture.
À chaque étape, j’ai choisi l’audace avant la compétence parfaite.
Je n’attendais pas d’être prête.
Je décidais d’y aller, et de laisser mes mains rattraper mon ambition.
Les bords francs : la raw truth
Si vous regardez nos pièces, vous verrez un détail qui revient souvent : des bords francs, des finitions unfinished.
Ce n’est pas un accident, c’est un manifeste.
Ces bords francs sont un rappel visuel : la raw truth – la vérité brute – est souvent plus belle que ce qui est parfaitement poli.
Le côté authentique n’est pas toujours sleek and polished.
Il est vivant, parfois un peu rugueux, mais vrai.
Nos bords francs, ce sont nos parcours aussi :
rien n’est lisse, tout est en mouvement.
Une équation d’énergie : E = Au × Ac × (t)²
Einstein nous a appris que l’énergie est le produit d’une petite masse multipliée par un facteur immense, le fameux c².
Chez l’être humain, c’est différent : notre énergie ne vient pas seulement de ce que nous avons, mais de ce que nous activons.
Pour vol(t)age, l’équation pourrait ressembler à ceci :
E = Ac × Au × (t)²
- Ac, c’est l’action : ce que nous faisons, concrètement.
- Au, c’est l’audace : ce que nous osons, même quand nous avons peur.
- (t), c’est notre vérité intérieure — notre authenticité. C’est ce qui rend le tout exponentiel.
Plus nous réajustons notre action et notre audace à ce qui est vrai pour nous, plus notre énergie devient… infinie.
Nous avons tous une mise à jour en attente.
Parfois, il suffit d’un instant, d’un cours de couture, d’une écharpe un peu magique… pour cliquer sur « installer ».
Et si vol(t)age peut vous aider à déclencher ce courage, alors nous avons accompli ce que nous voulons :
non pas vous habiller, mais vous électriser.
Un grand merci et une bonne soirée.